Le deuil périnatal… c’est quoi ?

Vous ne le savez peut-être pas, mais le 15 octobre, est la Journée Mondiale de sensibilisation au deuil périnatal. Cette journée existe pour parler de ce deuil tabou, celui de la perte d’un tout petit. Une situation qui touche 7 000 familles en France chaque année. Pour savoir ce qu’est le deuil périnatal et comment il est vécu par les parents, j’ai interviewé Françoise, bénévole de l’association SPAMA qui accompagne avec beaucoup de bienveillance les parents confrontés à cette perte. 

“Bonjour, peux-tu te présenter ?”

Françoise : Je suis maman de 3 garçons, de 9, 13 et 17 ans. Et je suis aussi maman d’une petite fille, qui est décédée à l’âge de 10 jours. C’était il y a 15 ans maintenant. C’était mon deuxième enfant. J’ai beaucoup souffert lorsque j’ai perdu ma fille… atrocement souffert… Mais j’ai été bien entourée et j’ai appris à vivre avec son absence, tout doucement, pas à pas. C’est un long chemin. 

La vie a repris, elle a continué, et ma fille est présente dans nos vies à sa façon, dans nos cœurs et dans la fratrie. Depuis plus de 10 ans, je suis bénévole dans une association qui s’appelle SPAMA, pour soutenir les parents confrontés au deuil périnatal, car il ne faut pas être seuls dans cette épreuve. 

“Tu parles du terme “deuil périnatal”, qu’est-ce que c’est ?”

Françoise : C’est un terme nouveau que tout le monde ne connaît pas. Il s’agit d’un deuil particulier car il concerne l’enfant à naître ou juste nouveau-né. Concrètement, cela recouvre une grande variété de situations que l’on ne connaît pas toujours. Cette liste n’est pas exhaustive :

  • le décès dans le ventre de la mère, quel que soit l’avancement de la grossesse (on appelle “mort fœtale in utéro” le décès lors qu’il est proche de la fin du terme), 
  • l’Interruption Médicalisée de Grossesse (IMG) suite à un diagnostic anténatal défavorable, 
  • le décès lors de l’accouchement ou dans les jours / semaines qui suivent la naissance (sans diagnostic préalable)
  • cela concerne aussi des bébés prématurés qui décèdent en néonat, 
  • mais aussi la Mort Subite du Nourrisson (MSN), etc. 

Les situations sont multiples et tellement douloureuses pour les parents. 

“Pourquoi le deuil périnatal est-il tabou en France ?”

Françoise : Le deuil tout court est devenu un tabou en France. Aujourd’hui, plus de 80 % des individus décèdent dans les hôpitaux. La mort est cachée et nous est devenue étrangère, on ne sait plus trop comment accompagner, on en a peur. Autrefois, les personnes décèdaient chez elles, à la maison et on savait accompagner cela en famille, dans les villages. Il y avait des veillées, des rites, des symboles et on respectait le temps du deuil.

Mais la mort d’un tout petit est une réalité qui nous est insupportable. Inacceptable. Parce que ce n’est pas dans l’ordre des choses. C’est une chose que l’on redoute et qui est de l’ordre de l’indicible. 

Trouver la mort où l’on attendait la vie semble contre nature, et évoque des peurs que nul n’a envie d’affronter. En cela, le deuil périnatal a longtemps été un tabou, une réalité dont on préfère détourner le regard, ou qu’il nous est insupportable de regarder.

“Comment se passe le processus de deuil ? ”

Françoise : C’est une période de grande fragilité. D’intense fatigue. De montagnes russes d’émotions et de sentiments très intenses : sidération, anesthésie des sentiments, anéantissement, amputation, impuissance, révolte, colère, interrogations, sentiment de culpabilité… toute une palette d’émotions très contrastées, qui peuvent aussi s’accompagner de symptômes physiques.

Le processus de deuil correspond à un lent cheminement personnel fait de déséquilibres et de travail intérieur, qui fera osciller les parents entre des moments de grande intensité de souffrance, et d’autres, avec le temps, où ils pourront commencer à aller un peu mieux, avec parfois la peur d’oublier leur bébé. Ce sentiment est très présent et déroutant, surtout si on n’a pas vu l’enfant. 

Mais la souffrance dure longtemps, les 2 premières années sont particulièrement douloureuses, puis les dates anniversaires, les fêtes de fin d’années, la fête des mères/pères, la vue d’autres bébés. 

Carte co-créée entre Sophie Gidrol et la Fabrique à Sourires pour les Paranges

“Pourquoi ce deuil est-il si particulier ?”

Françoise : Le décès d’un tout petit, c’est toujours un choc pour les parents, et aussi pour l’entourage, la violence est extrême. C’est une onde de choc. Et c’est un type de deuil très particulier en de multiples aspects. 

C’est un deuil qui va se construire en lien avec le vécu de la grossesse, l’histoire personnelle de chacun, et les circonstances qui entourent le décès du bébé. Les souvenirs sont parfois si minces, si immatériels… C’est tellement ténu. L’image de l’enfant à naître ou du tout juste nouveau-né est très limitée au sein du cercle familial, voire inexistante pour le reste de l’entourage et la société. Ce qui le rend très complexe. Chaque deuil sera différent car les parents perdent aussi une partie d’eux-mêmes au travers de ce décès, et tout ce qu’ils avaient projeté dans la relation au bébé. 

Face à ce deuil, on se sent totalement démuni, bouleversé, impuissant pour soulager l’immense souffrance de ces parents. On ne sait pas quoi dire et bien souvent on se tait, on évite le sujet, tellement on est mal à l’aise… 

Ce silence de l’entourage et de la société en font bien souvent un non-évènement pour les parents, avec parfois des commentaires bien inutiles ou inappropriés souvent très douloureux pour les parents.

>>> Lire l’article “Deuil périnatal : 7 conseils pour accompagner les parents du tout petit“ <<

Depuis une quinzaine d’années, on sait que ces deuils sont des deuils à part entière, pas des “demi deuils”. On a cru que nier l’enfant pouvait aider, mais l’amour était déjà là. 

Si on ne sait pas ça, on passe à côté de l’amour des parents et on ne comprend pas qu’il ne s’éteindra jamais. On ne cesse jamais d’aimer.  

“Pourquoi libérer la parole des parents qui vivent cette perte ?”

Françoise : On sait aujourd’hui que les parents doivent trouver leur chemin d’expression. Leur profonde douleur doit se dire, être entendue, reconnue, sinon c’est comme si la société les abandonne. Pour ne pas les enfermer dans cette souffrance immense, indicible, qui nous fait peur aussi à nous quand on en est le témoin. Ces parents ne cesseront pas d’aimer leur enfant parce qu’il n’est plus là.

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Deuil périnatal : 7 conseils pour accompagner les parents du tout petit
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Découvrez la collection de cartes à offrir aux Paranges co-créée entre Sophie Gidrol et la Fabrique à Sourires


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